La migration des oiseaux : en mode GPS

par | Mai 7, 2017 | Comprendre | 0 commentaires

Aujourd’hui, dernière étape de notre trilogie sur la migration des oiseaux : l’orientation. Comment arrivent-ils à s’orienter ? De quels outils se servent-ils ? Cette aptitude à suivre un chemin est-elle innée ou acquise ? 

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Faire parler ses sens

Bien que l’on ne s’en rende pas compte au quotidien, l’humain utilise pourtant de nombreux moyens matériels pour s’orienter. Carte, boussole, observation du soleil et des étoiles et, plus couramment GPS : sauf quelques rares exceptions, il est très difficile de se perdre de nos jours ! Contrairement aux autres animaux, nous utilisons désormais très peu nos sens mais des outils que nous avons crées. Mais point de carte et de GPS pour les oiseaux, dont certains parcourent pourtant des dizaines de milliers de kilomètres ! Encore plus fort : les juvéniles d’espèces qui ne partent pas en groupes familiaux semblent déjà connaître la route, sans l’avoir jamais parcouru ! Quels sens utilisent-ils ? Comment ? Sont-ils très différents des nôtres ?

Petit récapitulatif.

La vue

Les oiseaux ont une excellente vue, les champions dans ce domaine étant les rapaces. Les aigles, par exemple, qui parcourent toute la journée un vaste territoire, sont capables de repérer une proie de 16 centimètres à 1.5km de distance ! Les oiseaux voient le même spectre de couleurs que nous avec, en bonus, la capacité de détecter l’ultraviolet. Ils sont capables également d’utiliser les informations fournies par le coucher et le lever du Soleil car ils détectent le plan de polarisation de la lumière solaire polarisée. Il semble que cela les aide à s’orienter. La performance de la vue est globalement une aide fabuleuse lors de la migration car il permet aussi de visualiser à longue distance des repères sur la route.

L’ouïe

Voici là encore un sens particulièrement développé chez les oiseaux. Contrairement à nous, ils sont capables de percevoir les infrasons. Une grande partie de leur communication passe par ce sens : chants lors de la saison de reproduction, cris d’alarme, de défense face à un prédateur…Les grues, qui partent en groupes lors de la migration, se repèrent les unes par rapport aux autres grâce à des cris de contact. Grâce à une ouïe ultra-performante, les oiseaux marins nichant en colonies sont capables de repérer leur petit grâce à son cri au milieu de centaines d’autres oiseaux ! Et comme nous l’avons vu dans notre précédent article « La migration des oiseaux: en vol », certains disposent d’un organe particulier située dans l’oreille, l’organe de Vitali, qui leur permet de détecter les changements de pressions atmosphériques et ainsi, d’anticiper les changements brusques de temps.

L’odorat

Beaucoup moins développé que chez les Mammifères, l’odorat est surtout présent chez les oiseaux charognards comme les Vautours ou les Urubus. Tout comme ceux-ci, les pétrels et les puffins se servent de leur odorat pour détecter des sources de nourriture. Il peut également les aider à retrouver le chemin de leur colonie puis de leur terrier. Canards colvert, étourneaux et même mésanges se servent également de leur odorat à certains moments de leur vie (construction du nid, choix d’un partenaire…)

Le toucher

Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, les oiseaux disposent à la base d’une plume d’un récepteur sensoriel qui leur permet de déterminer la force et la direction du vent. Ce mécanorécepteur est donc une aide très importante pour leur navigation.

Le goût

Difficile de savoir l’importance de ce sens chez les oiseaux…Son rôle dans l’orientation lors de la migration semble toutefois assez mineur.

Un sens en plus : la magnétoréception !

En est-on dépourvu ou n’en sommes-nous pas conscients ? Toujours est-il que, contrairement à bon nombre de mammifères, nous n’utilisons pas un sens pour la perception des lignes de champs magnétique. Les oiseaux sont capables non seulement de déterminer leurs inclinaisons mais également leurs intensités, ce qui leur permet de connaître leur position, et donc de s’orienter.

Une composante génétique

Comment des oiseaux qui n’ont jamais parcouru de voies migratoires partant sans leurs parents peuvent-ils atteindre leur destination sans encombre ? Grâce aux « pouvoirs » de la génétique ! La direction et la distance de migration sont ainsi programmées génétiquement chez l’oiseau. Comment le sait-on ? Grâce à bon nombre d’expériences scientifiques ayant permis de mettre en évidence le Zugunruhe. Ce mot allemand (composé de Zug, le mouvementet unruhe, l’agitation, l’anxiété) désigne l’état d’excitation qui saisit les oiseaux avant le départ en migration. Il a été observé lors d’expériences avec des oiseaux captifs. Il va s’exprimer par une activité nocturne inhabituelle : des sautillements et des vibrations d’ailes incessants. On a mesuré précisément sa durée chaque nuit sur des Fauvettes à tête noire: elle correspond exactement à la distance de migration de l’espèce ! Même captif, l’oiseau est donc mû par un irrépressible besoin de migrer.

Autre élément étonnant : l’oiseau ne part pas en migration au hasard mais par un chemin génétiquement déterminé. Les recherches ont montré que les oiseaux suivent un vecteur précis durant une durée « programmée » dans leur patrimoine génétique. On parle alors de « navigation vectorielle ». C’est ainsi que des juvéniles peuvent partir en migration sans leurs parents !

S’orienter

Bon, c’est bien gentil tout ça mais au-delà de leur patrimoine génétique, quels outils les oiseaux utilisent-ils pour s’orienter ? Car leur trajet est souvent semé d’embûches, ne serait-ce que météorologiques. Les oiseaux doivent parfois se dérouter pour éviter une tempête: ils doivent donc être capables de s’orienter afin de poursuivre leur route dans la bonne direction.

Le soleil

Comme bon nombre d’animaux, les oiseaux n’utilisent pas le soleil en fonction de sa hauteur mais en déterminant son azimut, soit l’angle formé par rapport au sud (si on se situe dans l’hémisphère nord). Cet azimut varie en fonction de l’heure du jour mais également de la saison et de la latitude. Si ce paramètre est très important pour les oiseaux, il a quelques inconvénients. Ne pouvant être utilisé par un ciel nuageux ou de nuit, il est utilisé en complément d’un autre outil: le champ magnétique terrestre.

Les étoiles

Là encore, des expériences scientifiques ont mis en évidence l’importance de la position des étoiles dans le ciel pour l’orientation des oiseaux. Ainsi, dans un planétarium, en ne faisant varier que l’orientation du ciel, on observait que les oiseaux modifiaient leur trajectoire. Sous un ciel de printemps, ils s’orientaient vers le nord et sous un ciel d’automne, vers le sud! Il semblerait qu’ils n’utilisent pas l’ensemble du ciel mais la zone située dans un rayon de 35 km autour de l’étoile Polaire. Contrairement à la distance et à la direction, cette aptitude à utiliser le ciel n’est pas déterminée génétiquement. Ils vont apprendre à utiliser cet outil en observant la rotation du ciel depuis le nid ou dans les jours suivant leur envol. Tout comme pour le soleil, les oiseaux n’utilisent pas la carte stellaire seul mais en complément de l’utilisation du champ magnétique.

Le champ magnétique terrestre

Chez plusieurs espèces d’oiseaux dont les pigeons, les scientifiques ont trouvé dans la partie supérieure du bec une structure riche en magnétite. Les propriétés de ce minéral lui permettent d’orienter vers le nord les aiguilles sur lesquelles il est attachée. Grâce à ces cellules spécialisées, les pigeons peuvent détecter les changements d’intensité du champ magnétique terrestre, mêmes infimes, et ainsi déterminer leur position et la corriger si besoin. 

Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur FacebookTwitterInstagramPinterest et LinkedIn

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