Ces oiseaux mal-aimés

par | Juil 10, 2017 | Comprendre | 0 commentaires

Cette semaine, nous nous intéressons à ces oiseaux qui, du fait de croyances ancestrales et de vieilles légendes, souffrent d’une mauvaise réputation. Des vautours aux corbeaux, de l’Effraie des clochers à la pie bavarde, tous sont affublés d’une étiquette persistante que lui a collé l’humain. Étudions ces mal-aimés de plus près…

Les vautours : vénérés puis détestés

Les vautours étaient vénérés à l’époque de l’Egypte ancienne, en particulier le vautour percnoptère. Plusieurs déesses étaient ainsi représentées par des espèces de vautours, telle Nekhbet, déesse protectrice du pharaon et de l’Egypte, ou Mout, qui sait veiller sur les hommes et leur redonner la vie.

Chez les Grecs, le vautour correspond à l’égal de l’aigle soit le messager de Zeus car il évoluait haut dans le ciel. Il bénéficiait d’une image un peu moins divine lorsqu’il était assimilé à sa fonction d’équarrisseur naturel. Ainsi, à travers le supplice de Prométhée, le vautour est assimilé au mal (bien que le rapace soit appelé « Aigle du Caucase« ), dévorant chaque jour le foie de Prométhée.

« MIAMIAM »

Chez les Romains aussi, les vautours étaient entourés d’une aura divine. Ainsi, plus le nombre de vautours observés était important, meilleur était le présage. L’emplacement même de la ville de Rome, par Rémus et Romulus, se fit par l’observation des vautours! Alors qu’ils se disputaient le droit de nommer et de gouverner la future cité, les jumeaux consultèrent les auspices. Alors que Rémus aperçoit le premier six vautours, son frère en vit 12 depuis son point de vue. (Ce qui, semblerait-il, n’était pas tout à fait vrai)(Ce qui entraîna la dispute mortelle entre les frères)(De toute façon, dans la mythologie, ça finit toujours mal).

Chez les adeptes de Zarathoustra, les corps des défunts sont confiés aux vautours, dans des nécropoles spécifiques: les Tours du silence. En Inde, ce type de funérailles peut encore exister, malgré l’hécatombe massive que connaissent les vautours en Asie. L’âme du défunt est ainsi transportée au ciel grâce au vautour.

Mais l’influence de la religion chrétienne en Europe va changer la donne. Associé à la malhonnêteté, à la lâcheté, le terme de « vautour » sera désormais accolé aux personnes cruelles et avides. Ainsi, le célèbre naturaliste Buffon décrivait les vautours « comme de lâches assassins et sont plutôt des voleurs que des guerriers […] la corruption, l’infection les attire au lieu de les repousser« . La fonction d’équarrisseur naturel du vautour en fait désormais une bête immonde et sale.

Encore de nos jours, on peut encore entendre de drôles de questions (non, les vautours ne peuvent enlever des petits zenfants) ou lire d’étonnantes histoires au titre fort accrocheur. Il faut pourtant s’en tenir aux faits : les vautours sont des rapaces charognards, dépourvus de tout outil physiologique pour attaquer et tuer de manière directe. Ils jouent un rôle essentiel dans la disparition des cadavres d’animaux, évitant la propagation de maladies dans un milieu.

Les corbeaux, oiseaux de mauvaise augure

Les représentants de la famille des Corvidés (et non des Corbacés…) sont nombreux de par le monde. Pour autant, lorsqu’on dit le mot « corbeau » dans nos régions, cela désigne très souvent les espèces suivantes : 

  • La Corneille noire : la plus commune. C’est celle que vous voyez partout et que vous appelez, donc à tord, « corbeau ». Comme son nom l’indique, elle est entièrement noire.

  • Le Corbeau freux : ressemblant à la Corneille noire, il s’en distingue par un bec à la base blanchâtre.

  • Le Grand Corbeau : portant bien son nom (il peut peser jusqu’à 2 kg!), le Grand Corbeau est entièrement noir, avec un bec fort et long.

  • Le Choucas des tours : le plus petits des quatre, et même de tous les Corvidés de notre pays. Il tient son nom du fait qu’il affectionne les points surélevés comme les clochers et les ruines.

Tous sont de couleur noire, couleur du deuil dans notre culture. Ils croassent fort, un bruit pas franchement mélodieux. Ce sont des oiseaux grégaires, ils n’hésitent pas à se rassembler pour partager une source de nourriture. Ils ne dédaignent d’ailleurs pas quelque charogne. Bref, tous ces éléments font porter aux Corvidés une charge symbolique très forte, bien qu’injustifiée. Le corbeau est ainsi devenu le symbole du mal, un signe du mauvais présage. Associé à la sorcellerie, il sera longtemps persécuté par les humains qui iront jusqu’à le clouer à leurs portes pour se protéger du malheur. Dans le genre « mal-aimé », difficile de faire mieux…Mais la perception du corbeau change selon les cultures! Ainsi, il est sacré dans une large part de la culture amérindienne.

Pourtant, les Corvidés sont des oiseaux fascinants, notamment par leur intelligence. Nombre d’expériences ont été menés sur ces espèces. La plus incroyable étant peut-être celle qui a été mené sur 007 qui réussi à venir à bout d’un puzzle divisé en 8 étapes et nécessitant l’usage d’outils mis à sa disposition. Ces espèces sont d’ailleurs connus pour utiliser des outils, notamment des branches, en milieu naturel.

Autre fait étonnant chez les Corvidés: ils sont très joueurs ! Ils aiment jouer avec d’autres animaux, notamment en les provoquant puis en s’envolant très vite ensuite, ou encore en s’amusant avec leur environnement (en glissant dans la neige, en utilisant des cailloux ou des pommes de pin pour en faire des jeux).

L’Effraie des clochers : la Dame blanche 

« On parle de moi? »

L’Effraie des clochers fut, comme bon nombre de ses congénères rapaces, largement victime de sa mauvaise réputation. Elle est en effet présente dans de nombreuses légendes. Ses cris stridents, son chuintement, son plumage spectral, ses cavalcades dans les greniers et les vieilles granges où elle aime nicher…Beaucoup d’éléments qui, une fois réunis, alimentent les histoires de fantômes !

Seule représentante de la famille des Tytonidés (Lire l’article « Une histoire d’Oiseaux: les Rapaces »), c’est l’espèce de Strigiformes la plus répandue dans le monde. Ce fameux chuintement est le cri territorial du mâle. Son plumage est plus ou moins clair, le poitrail pouvant être pratiquement blanc. Au Moyen-Age, elle était le symbole de l’hérésie. Dans « Histoire naturelle des oiseaux », Buffon (encore lui) décrit ainsi l’Effraie des clochers :

« Elle pousse différents sons aigres, tous si désagréables, que cela, joint à l’idée du voisinage des cimetières et des églises, et encore à l’obscurité de la nuit, inspire de l’horreur et de la crainte aux enfants, aux femmes, et même aux hommes soumis aux mêmes préjugés et qui croient aux revenants, aux sorciers, aux augures : ils regardent l’effraie comme l’oiseau funèbre, le messager de la mort ; ils croient que quand elle se fixe sur une maison, et qu’elle y fait retentir une voix différente de ses cris ordinaires, c’est pour appeler quelqu’un au cimetière. »

Cette réputation d’ « oiseau funèbre » vaudra à l’Effraie d’être elle aussi clouée sur les portes des maisons afin de conjurer le mauvais sort, chasser les maladies et les autres chouettes. 

La pie bavarde, cette voleuse

Voilà un autre Corvidé ! La pie bavarde est un oiseau très commun dans notre biodiversité locale. Son plumage noir et blanc, son bavardage incessant et sa curiosité en font un oiseau que l’on repère facilement. Tout comme ses congénères de sa famille, elle fait preuve d’une incroyable ingéniosité dans ses comportements. Il n’en fallait pas plus pour que l’humain détourne ce trait de caractère. Ainsi, voilà qu’on décrivit la pie comme voleuse ! Alors certes, par opportunisme la pie peut pratiquer le kleptoparasitisme (elle vole des proies chassées par d’autres oiseaux) mais de là à voler pour le plaisir…

Une pièce de théâtre à succès, la Pie voleuse ou la Servante de Palaiseau, représentée pour la première fois en 1815, a très probablement aidé à propager cette mauvaise image. L’opéra de Rossini, La gazza ladra (la Pie voleuse), adaptation de cette pièce de théâtre, a rencontré un très grand succès en 1817.

En réalité, si la pie est effectivement drôlement bavarde, il n’a jamais été prouvé qu’elle était voleuse ! Contrairement à une idée reçue largement répandue, elle ne s’empare pas d’objets brillants. En tout cas, pas en proportion plus importante que des objets non brillants. Aujourd’hui, les pies restent considérées comme des oiseaux « nuisibles » et donc chassables. L’antipathie envers ces oiseaux a néanmoins aucun fondement.

Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur FacebookTwitterInstagramPinterest et LinkedIn

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