Une histoire d’Oiseaux: les Rapaces

par | Mai 28, 2017 | Comprendre | 0 commentaires

Nouvelle série ! Chaque mois, un numéro d’ « Une histoire d’Oiseaux » vous fera découvrir une famille d’oiseaux dans son ensemble. Cette semaine, partons à la découverte des rapaces !

Petit préambule : pourquoi classer les animaux en catégories ?

Pour mieux comprendre comment le monde autour de lui fonctionne, il semblerait qu’après observation l’homme ait besoin de ranger, classer, hiérarchiser. Il rassemble alors dans des groupes des animaux qui se ressemblent, qui ont le même régime alimentaire, qui vivent dans les mêmes milieux.

Bien que dépassée actuellement par d’autres méthodes de classification, comme la classification phylogénétique, la classification classique, initiée par Linné, est encore couramment utilisée. Elle est fondée sur de multiples critères dont la biologie et la physiologie de ceux qu’elle classe. Elle divise le monde vivant en 6 Règnes: les bactéries, les archées, les protistes, les champignons, les végétaux et les animaux. Je vous ferais grâce du détail de tous ces Règnes puisqu’un seul nous intéresse ici. Chaque Règne est ensuite subdivisé en catégories ou taxons: Embranchement -> Classe -> Ordre -> Famille -> Genre -> Espèce. L’espèce est donc le taxon de base en classification.

Ainsi, les Oiseaux sont une Classe faisant partie du Règne animal et de l’Embranchement des Chordés. Puisque rien n’est jamais facile en comprendre dans le domaine des sciences, il y a bien évidemment des subdivisions telles que des Sous-Règnes, des Infra-Règnes et autre Super-classes mais aujourd’hui, on va faire simple.

Et chez les Rapaces, alors ?

Cette histoire de classification quelque peu explicitée, intéressons-nous de plus près aux rapaces. Ils sont classés en deux Ordres : les Falconiformes (rapaces diurnes) et les Strigifomes (rapaces nocturnes).

Les Falconiformes

Cet ordre rassemblant l’ensemble des rapaces diurnes est divisé en 5 familles : 

  • Les Cathartidés : ce sont les vautours du Nouveau Monde, comme l’Urubu ou le Condor des Andes
  • Les Accipitridés : avec 220 espèces, c’est la plus grande famille. Y sont classés, parmi d’autres, les milans, les buses, les vautours de l’Ancien Monde et les aigles.
  • Les Sagittaridés : étonnante famille avec une seule espèce représentée, le Messager sagittaire !
  • Les Pandionidés : une seule espèce de grand rapace piscivore représentée chez nous, le Balbuzard pêcheur.
  • Les Falconidés : 61 espèces donc 37 espèces du genre Falco, les faucons « vrais »!

Les Strigiformes

Cet ordre comprend les deux familles de rapaces diurnes :

  • Les Tytonidés : 1 genre et 11 espèces mais une seule représentante en Europe, l’Effraie des clochers
  • Les Strigidés : 163 espèces regroupant aussi bien chouettes et hiboux.

Partout dans le monde, on trouve 220 espèces appartenant aux Falconiformes et 174 espèces de Strigiformes. La position privilégiée de la France au sein du paléarctique occidental et sa grande diversité en matière d’habitats lui permet d’héberger 24 espèces nicheuses et 23 espèces hivernantes. Il est ainsi possible d’observer en France la moitié des espèces de rapaces du Paléarctique occidental !

Des outils communs pour une fonction : la chasse

S’ils présentent bien évidemment des points communs avec tous les autres oiseaux du monde, nous allons ici regarder les ressemblances propres à leur Ordre. La grande majorité des rapaces étant des chasseurs actifs, l’évolution les a dotés d’armes anatomiques ultra-efficaces.

Outil n°1 : les serres

Il s’agit d’une arme de préhension parfaite pour un oiseau. Elles comptent quatre doigts: trois vers l’avant et un vers l’arrière. Exception chez les Strigiformes: les doigts sont disposés en « étoile ».

Les quatre doigts s’écartent facilement, pour mieux s’adapter à la taille de la proie. Leur face inférieure est constituée de coussinets rugueux permettant de maintenir la proie. Leurs ongles longs et recourbés sont également très utiles. Encore une exception: les vautours, qui ne pratiquent pas de chasse active mais se nourrissent de chair d’animaux morts. Leurs doigts sont épais et leurs ongles courts, ce qui leur permet de se déplacer au sol plus aisément.

Outil n°2 : le bec

Les rapaces ont tous un bec crochu, avec une mandibule supérieure forte, terminée par un crochet. Les bords de cette mandibule inférieure sont tranchants. Le bec ne sert pas véritablement à attaquer : il permet d’achever rapidement la proie si les serres n’ont pas suffit. Il coupe, il déchire, il plume…Un vrai outil multi-usages !

Outil n°3 : les yeux

La vue est le sens le plus important pour les rapaces diurnes, sens essentiel lors d’une action de chasse. Les yeux et les nerfs optiques occupent une grande partie du volume de la boîte crânienne ! L’implantation de leur yeux, proportionnellement plus gros que les nôtres, leur confère une vision monoculaire de chaque côté mais également binoculaire. Ainsi, un Faucon crécerelle voit parfaitement sur 250°, avec la possibilité d’un relief sur 50° devant lui. À titre de comparaison, notre champ peut atteindre 180° et avec une précision latérale franchement moyenne…Les rapaces diurnes possèdent deux fovéas par rétine : la deuxième fovéa reçoit les informations fournies par la vision binoculaire.

En complément de cette vue particulièrement performante, les rapaces ont une tête très mobile. Ils peuvent ainsi observer tout autour d’eux sans bouger de leur perchoir. Les champions en la matière sont incontestablement les rapaces nocturnes : ils peuvent faire une rotation de près de 270°! Cela est permis entre autre par un grand nombre de vertèbres cervicales : 14 contre 7 chez la plupart des mammifères.

« Y’a pas à dire : des bons yeux, c’est super important ! »

(NDA: oui, cet oiseau existe vraiment et non, il n’a pas une maladie des yeux. Il s’agit d’un Ibijau gris, un oiseau d’Amérique du sud apparenté aux engoulevents.)

Outil n°4 : l’ouïe 

Voilà un outil fort développé chez les Strigiformes et un peu moins chez les Falconiformes. Les rapaces diurnes se servent en effet assez peu de leur ouïe en chasse. Petite exception chez les busards qui ont tendance à chasser en planant près du sol: il est possible qu’ils essaient d’utiliser leur ouïe en complément de leur vue. Toutefois, cela reste un outil d’importance mineure par rapport à la vue. 

Chez les rapaces nocturnes, l’efficacité de l’ouïe est à mettre au crédit de deux adaptations morphologiques: leurs disques faciaux qui concentrent les sons vers les conduits auditifs et l’asymétrie de ces conduits, l’un étant plus haut que l’autre, permettant une écoute en « relief ». Cette dernière adaptation permet une localisation quasi-parfaite du bruit. (Plus d’infos sur l’ouïe des oiseaux dans l’article Dis Google, comment les oiseaux…)

Outil n°5 : le vol

Selon leur mode de vie, les rapaces présentent des capacités de vol particulières. Les rapaces diurnes vont privilégier un vol économe en énergie, énergie qu’ils réservent à la chasse. Ils vont donc être des experts du vol plané et dans la recherche de courants ascendants susceptibles de les porter. Pour planer, ils s’efforcent d’être le plus léger possible : ils boivent peu et consomment de petites quantités de nourriture, comme les viscères, qui sont très riches d’un point de vue énergétique. Certains spécialistes du vol à voile, comme les vautours, ont une surface alaire importante qui leur permet d’être portés par le vent aisément. Si les ascendances viennent à manquer, les vautours sont en difficulté car ils sont lourds. Ils vont alors consommer beaucoup d’énergie. Les aigles sont plus efficaces car leurs ailes sont plus souples. Les rapaces comme le Faucon crécerelle et l’Elanion blanc sont spécialistes du vol sur place ou stationnaire, qui leur demandent beaucoup d’énergie. Il est donc réservé à la détection de proies.

Autre particularité : beaucoup de rapaces diurnes présentent des plumes de vol aux couleurs sombres. Il semblerait que la mélanine soit un pigment plus résistant au rayonnement solaire et à l’usure due aux frottements de l’air. 

Les Strigiformes ont eux une exigence qui n’est pas la recherche d’ascendances. Pour chasser de nuit en toute discrétion, il leur faut un vol extrêmement silencieux. Les plumes dures et rigides des rapaces diurnes leur serait un vrai handicap ! Leur plumage est donc léger et soyeux et leurs rémiges (plumes de vol des ailes) sont dotées de barbules duveteuses dans lequel le bruit vient s’étouffer. (Plus d’infos sur le vol dans l’article A vol d’oiseau)

Des chasseurs hors pair mais en danger

Le lien entre l’homme et l’oiseau a longtemps oscillé entre fascination et destruction (voir notre article « Homme et oiseau: une relation complexe »). La destruction massive des rapaces par la chasse ou la collection de leurs œufs a causé des dommages irrémédiables dans leurs populations. Aujourd’hui, bon nombre de rapaces sont gravement menacés. Comme nous l’avons vu, les rapaces affectionnent consommer les viscères de leurs proies et notamment le foie. Or, c’est là que se concentrent tous les agents chimiques comme les pesticides. L’usage de poisons pour éliminer les rongeurs fait également énormément de dégâts parmi les populations de rapaces. Alors qu’en chassant ces rongeurs, ils sont eux-mêmes la réponse la plus naturelle à une surpopulation de rongeurs. La détérioration de leur habitat, la modification des pratiques pastorales pour les rapaces de montagne, les collisions sur les routes, les lignes à très haute tension, le braconnage…Les menaces ne manquent pas ! Tous les rapaces sont aujourd’hui protégés par la loi et certains sont suivis grâce à des plans nationaux d’actions. 

Et c’est tout pour aujourd’hui ! Vous avez des questions ? Une petite envie de papoter d’oiseaux ? Une idée de sujet, d’une thématique que vous souhaiteriez que j’aborde dans un article ? Retrouvez-moi sur FacebookTwitterInstagramPinterest et LinkedIn

Sources et recommandations :