5 questions sur la chasse en France

par | Août 12, 2019 | Comprendre | 0 commentaires

Cette semaine, intéressons-nous à cette pratique en France et des problématiques qui y sont liées. Parce qu’en matière de chasse, chaque année voit arriver son lot d’incohérences. Nous ferons dans cet article un focus sur la chasse des oiseaux, tout d’abord parce que c’est un Bird-Blog et ensuite parce qu’il y a déjà beaucoup de choses à dire.

Peut-on chasser toute l’année en France ?

Comme dans tous les pays européens, en France, il n’est possible de chasser que durant une période déterminée. L’exception française réside dans le fait que cette période est la plus grande période de chasse d’Europe. Ce qu’on appelle la « période générale de chasse » est fixée, pour cette saison de chasse, du 13 septembre 2020 au 28 février 2021. Période à laquelle il faut donc ajouter la chasse du gibier d’eau qui commence donc le 1er samedi d’août, selon les zones. Autre exception française : il est possible de chasser tous les jours, ce que n’autorisent pas les autres pays européens.

Avoir la plus longue période de chasse européenne est un triste record. Les oiseaux migrateurs, alors protégés chez nos voisins, entament leur voyage vers leurs zones d’hivernages qu’ils risquent de ne jamais voir.

« Raaah mais les humains sont si stupides ! C’est agaçant ! »

En France, combien d’espèces d’oiseaux sont concernées ?

Encore un triste record ! La Directive européenne Oiseaux (ou directive 2009/147/CE) encadre la protection, la gestion et la régulation des espèces d’oiseaux. Les espèces chassables, présentées dans l’Annexe II, peuvent être chassées dans tous les états membres. La seule condition ? Que cette chasse ne porte pas atteinte à la conservation des espèces. La chasse va alors être encadrée par la législation nationale de chaque état. Les pays ajustent leur cadre national en fonction notamment de l’état de conservation des espèces sur leur sol. Il y a donc des différences très importantes du nombre d’espèces chassables entre les états. Ainsi, le Danemark autorise la chasse de 29 espèces, sur les 57 espèces chassables « possibles ». En Belgique, 13 espèces d’oiseaux sont chassées sur les 37 autorisées par la Directive Oiseaux.

En France, ce sont pas moins de 64 espèces qui sont chassées…sur les 66 autorisées par l’UE. Si certains expliquent ce chiffre particulièrement élevé par une richesse de l’avifaune plus importante, cela n’explique pas tout. Ainsi, l’Espagne bénéficie d’un plus grand nombre d’espèces régulières que nous et ne chasse que 34 espèces.

Autre record : la France autorise la chasse du plus grand nombre d’espèces en mauvais état de conservation. En effet, nous chassons 20 espèces menacées de disparition, comme le Courlis cendré ou l’Huîtrier pie, alors que la moyenne en Europe est de 5 espèces.

Pourquoi la France a-t-elle été mise en demeure par la Commission Européenne ?

Suite à une plainte de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) contre la France déposée le 2 avril 2019, la Commission européenne a adressé un avis motivé à la France afin qu’elle prenne des mesures sur deux dossiers « brûlants » : la chasse des oiseaux migrateurs (notamment sur les oies et les tourterelles des bois) et les piégeages dits « traditionnels » non sélectifs (chasses à la glu et aux filets, entre autres). Ces pratiques sont tout simplement illégales et interdites par la fameuse « Directive Oiseaux » . Cet avis motivé fait suite à une première mise en demeure notifiée datant de juillet 2019. Aucune mesure n’a depuis été prise pour que la France soit en conformité avec le droit européen. Le gouvernement français dispose d’un délai de trois mois pour répondre. S’il ne s’y astreint pas, la Commission européenne pourrait choisir de saisir la Cour de justice de l’Union Européenne.

Qu’appelle-t-on « gestion adaptative des espèces » ?

Il s’agit d’un dispositif récent, mis en place dans le cadre du plan Biodiversité. L’objectif : adapter les pratiques de chasse en fonction de l’état de conservation des espèces. Cette gestion doit permettre d’ajuster les quotas et d’apporter des corrections si besoin. Cet outil pourrait permettre d’ajuster la législation nationale sur certaines espèces et de les sortir de la liste des chassables…ou l’exact inverse. Au vu de la présence d’un lobbyiste affiché pro-chasse, Thierry Coste, à la réunion du 27 août 2018 sur la mise en place du dispositif, il y a de quoi s’inquiéter sur le but réel de la gestion adaptative des espèces.

Un Comité d’experts sur la gestion adaptative a été nommé. Sa mission : fournir des recommandations en matière de prélèvements des espèces à partir de collecte de données. Mais premier désaveu en 2019 : questionné sur le Courlis cendré, espèce menacée au niveau européen, le gouvernement n’a pas suivi ses recommandations. Alors que celui-ci préconisait l’arrêt de cette chasse, la Ministre de la Transition écologique et solidaire, seulement 15 jours après sa prise de fonction, signait un arrêté autorisant l’abattage de 6000 Courlis cendrés. Suite à une action en justice de la LPO, le Conseil d’Etat a suspendu cet arrêté. Une excellente nouvelle pour ce limicole inscrit sur la liste rouge des espèces menacées de l’IUCN.

Quels sont les impacts de la chasse sur l’environnement ?

Au-delà de la destruction d’oiseaux, la chasse a bien d’autres impacts négatifs sur l’environnement. Le dérangement sur la faune environnante est très important. Les oiseaux connaissent alors un état de stress maximal alors même qu’ils débutent leur migration. De plus, il n’y a pas de sélectivité dans ce dérangement. Les espèces chassables et non-chassables se retrouvent impactées.

La chasse tend à modifier le comportement des oiseaux. Les envols sont beaucoup plus fréquents, plus rapides, le temps passé à la vigilance augmente. Cela entraîne une brutale augmentation énergétique ce qui est loin d’être l’idéal en cette fin de période de reproduction / début de migration. Les oiseaux, passant leur temps à surveiller les alentours, consacrent moins de temps à leurs couvées et à faire des réserves de nourriture. Même s’ils ne sont pas chassés, leur condition physique s’en retrouve diminuée.

De plus, la chasse participe à une pollution au plomb des milieux naturels. Chaque année, dans toute l’Union Européenne, ce sont 21 000t de plomb qui se retrouve dans la nature, 8 000t pour la France. Alors que l’emploi de la grenaille de plomb est interdit dans les zones humides depuis le 1er juin 2006 en France, le tir à balle de plomb du grand gibier y reste autorisé. En Belgique, en Norvège, au Danemark ou au Pays-Bas, la munition au plomb est tout simplement interdite.

Par ces différents éléments, il est aisé de constater à quel point la chasse est une activité humaine impactant très fortement son environnement, d’autant plus qu’elle se pratique sur quasiment tout le territoire et tous les jours, durant plus de la moitié de l’année.

Pour en savoir plus sur les chasses traditionnelles, la chasse de l’oie cendrée et le braconnage du Bruant ortolan, retrouvez les articles du Bird-Blog en cliquant sur les vignettes ci-dessous!

Découvrez le nouvel article du bird-blog sur les chasses traditionnelles des oiseaux en France

Focus sur L'Oie cendrée, un article du bird-blog d'une histoire de plumes

Focus sur le braconnage du bruant ortolan

 

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Sources et recommandations :

  • Image à la Une : Sebastian Pociecha